jeudi, mars 16, 2006

Le pois(s)on rouge


Re... J'ai écrit ce conte moral et philosophique pour enfant il y a bientôt 3ans. J'étais à l'époque en poste dans une école de tribu à Nakety (commune de Kanala) pour ceux qui connaissent. Une expérience très riche mais aussi très éprouvante : je n'en ai pas terminé l'année et ai du faire un plein trimestre de maladie pour état dépressif avant de retravailler. J'ai écrit ce conte en 2h un soir où la journée a été plus pénible que les autres. Certains de ces jeunes enfants dont j'avais la charge m'insultaient, ils me traitaient de sale blanc en langue, d'autres caractériels faisaient valdinguer leurs affaires de leur bureau et un autre enfin fuguait de la classe si je le contrariais. Bon tous n'étaient pas ainsi mais le petit nombre qui l'était était ingérable pour le jeune instit débutant que j'étais. J'adore mes enfants et s'est bien là le problème, ce jour là un d'eux et venu me frapper du poing à bride rabattue après que je l'ai remis à sa place faute d'une attitude et d'un travail correct. Il ne m'a certe pas fait mal mais j'ai été choqué. C'était et c'est certainement encore un enfant attachant et brillant mais dévoré par un sombre sentiment : la colère. Le soir même j'écrivais ceci...

Le Poisson Rouge

Il était une fois un enfant appelé Manou. A 9 ans, Manou aimait jouer sous les cocotiers. Comme il aimait sa maman aussi avec sa douce odeur de gâteau à la banane, son plat favori. Mais je crois que ce que Manou préférait c’était la pêche avec son papa. Ils y passaient des heures.
***
Un jour, Manou, toujours parti pêché, était assis près de l’eau seul à rêvasser. Il attendait une prise ! Aussi ne fut-il pas étonné de voir arriver près de son hameçon un poisson rouge sang s’avançant furtivement dans l’eau turquoise. Aussitôt vu, aussi vite pris. Le poisson fut capturé.
Le poisson lui dit alors : « Toi qui sembles si heureux, je te prédis un très grand malheur si tu me gardes !
- Je t’ai attrapé, tu es à moi maintenant, lui répondit Manou.
- Si c’est ce que tu veux vraiment… » dit finalement le poisson.
***
Manou trouva bizarre ce poisson, en plus il n’aimait pas trop sa couleur. Elle lui rappelait le sang qui coule d’une blessure… et ça fait mal une blessure. Mais il avait attrapé ce poisson et il voulait vraiment le ramener à sa maison. Ses parents seraient fiers de lui pensa-t-il.
Il décida donc de le ramener chez lui. Mais, oh surprise, le poisson avait disparu, il n’était plus sur la plage du tout. En voyant ça Manou fut très en colère. Il râla pendant tout le temps que dura le chemin pour rentrer chez son papa et sa maman. Il était furieux !
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Manou était arrivé chez ses parents. Il claqua la porte en rentrant, tellement il était en colère. Son père et sa mère furent très étonnés mais pour ne pas l’énerver encore plus, ils décidèrent de ne rien dire. L’heure de manger arriva, la mère de Manou servit le repas et le père demanda à Manou de venir s’asseoir pour manger. Là, Manou explosa. Il hurla sur son père, insulta sa mère et renversa la table. Les parents ne comprenaient rien : pourquoi leur enfant était comme ça ? Pourquoi Manou disait-il des choses si horribles ?
***
La mère de Manou se mit à pleurer à cause de lui, elle l’aimait tellement. Elle pensait que peut-être elle ne lui avait pas dit assez « je t’aime Manou ». Le père, lui, commençait à devenir rouge de colère devant son enfant. Il ne supportait pas ses insultes et il n’aimait pas du tout la table renversée. Manou lui continuait de crier des phrases et des mots tous plus moches et plus méchants les uns que les autres. Alors son père frappa. Il frappa Manou encore et encore. Il frappa Manou plus de 100 coups, 3 coups pour chaque insulte de Manou. Manou avait mal. Sa mère pleurait et hurlait. Le poisson rouge sang avait prédit à Manou la fin de son bonheur et le poisson avait gagné. Manou n’était plus du tout heureux, il était triste. Comment allait-il faire pour être encore heureux comme avant ? Il n’y arrivait plus. C’était fini.
***
Depuis ce jour où Manou a attrapé le poisson couleur de sang, il n’arrive plus à être heureux. A chaque fois qu’un autre enfant lui parle, il dit des gros mots et l’enfant s’en va. Quand il joue avec les autres, il les tape. Si une grande personne lui demande quelque chose, il ne veut rien faire et il l’insulte avec les mots les plus horribles qu’il a appris avec ses grands frères et grandes sœurs ou en écoutant les autres grandes personnes. Il ne fait plus jamais rien de gentil. Et si jamais il fait quelque chose de bien, juste après, il fait une bêtise. Même si Manou fait tout ça, Manou est triste. Parce que Manou, lui, ne veut pas être méchant. Mais être gentil, il ne sait plus le faire. Il pleure souvent quand il est tout seul dans son lit. Oui, il pleure souvent.
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Un jour, plus âgé, Manou se balade en forêt près de sa maison. Il était fatigué de sa marche alors il décida de s’arrêter et de regarder les arbres un petit peu. A ce moment là, il entendit une petite voix : « Dis, tu veux bien m’aimer ? ». Manou se retourne, il cherche qui a parlé. Il cherche encore et trouve une petite feuille verte toute ronde en forme de cœur sur un grand arbre. « Dis, tu veux bien m’aimer ? » répète encore la petite feuille. Manou eut très peur, il se rappela du poisson rouge sang. Il refusait d’écouter les mots d’amour de la petite feuille. Il avait peur de tout mais surtout, il ne voulait pas encore que quelqu’un lui dise qu’il sera malheureux. Non il ne l’écouterait pas. « Aime-moi ! criait pourtant la petite feuille.
- Non ! hurlait Manou ».
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Alors, Manou partit vers la maison. Il était comme un fou. Il prit de l’essence et des allumettes et retourna près de l’arbre en pleurant. Il recouvrit tout l’arbre avec l’essence. Ça sentait fort. « Creu creu, toussait la petite feuille ». Puis Manou alluma une allumette. L’arbre brûla tout de suite. On le voyait de loin. Après quelques minutes, les pompiers et les gendarmes arrivèrent. Les pompiers éteignirent le feu et les gendarmes arrêtèrent Manou. Sa maman et son papa ont beaucoup pleuré ce jour là.
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Aujourd’hui, Manou est en prison. Parce qu’après l’incendie de l’arbre, Manou a fait beaucoup d’autres bêtises. Il a volé, triché, menti et tué d’autres personnes. Les autres, les gens qui n’ont pas fait beaucoup de bêtises ne veulent plus voir Manou. C’est pour ça qu’il est en prison.
***
Manou est très en colère. Il est en colère parce que depuis qu’il a attrapé le poisson couleur de sang il n’a plus jamais été heureux et plus personne n’a aimé Manou. Si ! quelqu’un a aimé Manou : une petite feuille d’un arbre en forme de cœur. Mais Manou l’avait tué ! Il était donc tout seul. Il voulait mourir mais il avait bien trop peur de la mort. Alors Manou attend de sortir de prison pour se venger de tous les autres gens qui l’ont enfermé. Il est très en colère maintenant et il dit à tout le monde qu’il sera encore plus méchant quand il sera libre. Manou attend la fin de sa punition, après il sera libre de sortir de la prison et il pourra se venger des gendarmes, des pompiers, des riches, des pauvres… de tous les gens du monde entier.
***
Manou est sorti de prison depuis hier maintenant. Aujourd’hui, il décide de se balader dans la forêt pour réfléchir dans le silence. Il cherche toutes les méchantes choses qu’il n’a pas encore fait. Il veut se venger.
En chemin, pendant qu’il se balade il s’arrête et entend des hurlements : « Non, je ne t’écouterai pas ! jamais plus je n’écouterai personne ! je souhaite que le poisson rouge couleur de sang vous détruise tous ! personne n’a le droit d’être heureux ! » cria la voix excitée. Manou sentit tout son corps trembler en entendant quelqu’un d’autre parler du poisson couleur de sang, jamais il n’en avait parlé à personne !
***
Il court, court jusqu’à cette voix brutale et pleine de haine. Mais il arriva trop tard. Au milieu de la plaine devant lui, il voit un homme en pleurs, des pompiers, des gendarmes et un arbre brûlé. Il s’approche, regarde l’arbre brûlé. Soudain, il entend une petite voix : « Aime-moi… ». Alors Manou se baisse, voit une petite feuille ronde en forme de cœur, la ramasse et pleure. Manou ne pleurait plus jamais depuis qu’il était devenu grand, il préférait hurler et se mettre en colère contre le monde entier. Mais là, devant la petite feuille qui lui demande à lui de l’amour, il pleure. Il pleure comme jamais un enfant ou une grande personne n’a jamais pleuré : beaucoup, beaucoup, beaucoup. Il pleure puis très fatigué s’endort contre l’arbre brûlé avec la petite feuille entre les mains. Cette nuit là Manou rêve, il rêve qu’il est heureux et Manou ne veut plus faire de mal aux gens, jamais.
***
Plusieurs jours après, en se promenant sur la plage, il voit arriver un poisson rouge magnifique. Il a peur mais ne bouge pas. Le poisson arrive près de lui. « Bonjour, lui dit le poisson.
- Que me veux-tu ? lui demande Manou.
- Moi rien, répond le poisson.
- La dernière fois que je t’ai vu, dit Manou, je n’ai eu que des malheurs.
- Ho, mais ce n’était pas moi. Tu as dû voir mon frère : ‘le poisson de la colère’. Moi je ne suis pas comme lui crois-moi.
- Qui es-tu alors ? demande Manou.
- Je suis le poisson de l’amour et du bonheur. Je commande la bonté, la joie, le partage, la générosité et un très beau mot qu’on appelle la fraternité. Je suis venu te prédire que maintenant tu seras toujours heureux. »
Et le poisson partit. Manou pleura encore ce jour là. Mais c’était des larmes de bonheur.

Fin.

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